Océan bleu ou océan rouge ?

Cette jolie métaphore de l’océan bleu ou de l’océan rouge nous permet de décrire le marché dans sa globalité et vous allez voir, ce n’est pas très compliqué à comprendre.

Pour faire au plus simple, les océans rouges représentent l’espace connu du marché. Ils sont remplis de poissons qui sont les activités existantes.

Dans un océan rouge :

– Les frontières de l’activité sont connues et acceptées par les différents acteurs (les fournisseurs, clients, prescripteurs, etc),

– Les règles de la concurrence sont également connues,

– Les entreprises essaient de dépasser leurs rivaux en partant conquérir de nouvelles parts de marché. Il existe une intensité concurrentielle bien réelle,

– De ce fait, il devient de plus en plus difficile de trouver des opportunités de croissance,

La compétition devient sanglante… et c’est d’ailleurs pour cela que nous parlons d’un océan rouge

A contrario, les océans bleus représentent des marchés inconnus, non touchés pour l’heure par la concurrence.

Dans un océan bleu :

– La demande est créée plutôt que conquise,

– Il existe de nombreuses opportunités pour une croissance rapide et importante,

La compétition n’existe pas car les règles du jeu doivent encore être créées,

Vous l’aurez compris, l’océan bleu est une analogie pour décrire l’immensité du potentiel non exploré.

La pierre angulaire de la stratégie « Océan Bleu » est l’innovation-valeur.

Il s’agit à la fois de chercher à augmenter au mieux la valeur des produits et services de l’entreprise pour le client, tout en jouant sur les éléments que l’industrie néglige ; Et à la fois de baisser au maximum le coût pour l’entreprise en réduisant certains éléments que l’industrie considère habituellement comme importants.

La combinaison des deux donne l’innovation-valeur (ou l’innovation-utile).

Un exemple : Nintendo et la Wii. Nintendo a su capter les tendances majeures des sociétés occidentales, et notamment capitaliser sur le vieillissement de la société. Avec sa console plus universelle que les concurrentes, Nintendo a su séduire les ‘anti’, les ‘inexploités’, ceux à qui l’univers du jeu ne s’était jamais adressé. Ils ont su cibler les ‘pas spécialement férus d’images et de technologies’, les adultes et les plus âgés, les familles au global. Une excellente analyse des non-clients leur a permis de déplacer les frontières du marché.

Alors, océan bleu ou océan rouge ? Vous nous direz, pourquoi s’acharner à lutter férocement pour tenter de conserver une place intenable sur un secteur trop convoité, alors qu’il existe des pans d’activité totalement libres de concurrence ?

A priori, l’objectif de l’entreprise devrait être de créer en permanence de nouveaux Océans Bleus pour mettre hors-jeu ses concurrents. Par la suite, avec l’arrivée de concurrents ayant une stratégie d’imitation, ces océans bleus ont évidemment tendance à devenir des Océans Rouges.

Dans notre précédent article, nous avions rapidement abordé en conclusion trois manières de se positionner. Maintenant que nous y voyons plus clair, décortiquons chacun de ces trois positionnements… dont deux appartiennent à l’océan rouge, comme quoi.

Océan rouge : le face à face

Dans un face à face, vous êtes en concurrence avec des acteurs établis dans un marché bien défini. Nous sommes donc dans un schéma qui s’inscrit … dans l’océan rouge, oui !

– Les clients sont au fait des solutions et de ce qu’elles peuvent faire ou non,

– Les prospects savent ce qui est important ou non dans leurs critères d’achat, et vous n’avez pas besoin de leur expliquer,

– Vous vous positionnez comme étant meilleur pour l’ensemble des clients (et non une partie) et acceptez la manière dont cette catégorie de marché est définie aujourd’hui,

– Vous ne voulez pas changer les règles du jeu, mais le remporter avec les règles existantes.

Mais alors, quand utiliser cette approche ?

Premier scénario : Vous êtes déjà le leader et le statu quo vous convient. La manière dont les prospects définissent le marché vous convient parfaitement et leurs critères d’achat vous mettent à votre avantage. Vous êtes prêt à nager dans l’océan rouge et à emporter de face à face.

Ou bien… vous êtes un grand groupe, vous avez un avantage concurrentiel clair et de nouveaux éléments viennent changer la donne sur le marché: nouvelle technologie, nouvelle loi, changements économiques.

Autre possibilité : la catégorie de marché est clairement définie et identifiée par les clients mais aucun leader n’émerge. Vous pouvez vous positionner sans avoir besoin de convaincre les clients que cette catégorie existe et bénéficier d’une demande existante.

Quelles sont les implications du face à face ?

Pour le leader du marché, il s’agit de renforcer absolument les critères d’achats actuels, de rappeler pourquoi il est le meilleur et de se battre contre des concurrents qui souhaitent changer la perception des clients. Pour le challenger, il va falloir démontrer qu’il est capable de battre le leader à son propre jeu !

L’avantage du face à face, c’est que vous n’avez pas besoin d’éduquer les clients. L’inconvénient, c’est qu’il vous faut absolument correspondre à leur perception existante.

Océan rouge : gros poisson, petit étang

L’objectif de ce positionnement est de se tailler une part de marché où les règles sont un peu différentes, notamment en démontrant que certains besoins ne sont pas adressés par le leader.

– Vous évoluez dans une catégorie bien définie sans compétition acharnée,

– Dominer une partie d’un marché est généralement plus facile que d’attaquer directement leader du marché total,

– Le “bouche à oreille” se fait plus naturellement dans un sous-segment de marché,

– Vous adressez la partie du marché total qui est sûre d’acheter votre produit,

– Ce n’est pas parce que votre marché est étroit qu’il le restera toujours.

Quand utiliser cette approche ?

– Le marché est bien établi, il y a un leader clairement identifié et ce n’est pas vous,

– Il existe un groupe de clients clairement défini avec des besoins très spécifiques non-adressés par le leader,

– Vous avez la capacité d’adresser les besoins spécifiques de ce sous-segment beaucoup mieux que le leader.

Quelles sont les implications ?

– Vous devez tout d’abord éduquer le sous-segment ciblé sur le fait qu’une solution générique ne répond pas à ses besoins,

– Vous avez besoin de preuves qui montrent qu’il existe un écart de valeur évident entre la solution

générique proposée par le leader du marché et votre solution plus adaptée,

– Vous devez aider le sous-segment à comprendre ce qu’il gagne si ses besoins sont satisfaits,

notamment de manière quantifiée,

– Vous devez également démontrer que vous remplissez ou dépassez les critères de la catégorie

existante,

– Votre avantage concurrentiel est difficile à copier pour le leader du marché, soit car vous en avez la propriété intellectuelle, soit parce qu’essayer d’égaler votre produit pourrait lui causer des dommages sur le marché plus large où il est le numéro un.

Océan bleu : Créer un nouveau marché

Pour accéder à l’Océan Bleu, il faut déjà réformer le mode de conception de la stratégie. Commencez par abandonner cette obsession de l’affrontement. On pose les armes !

Plutôt que de se battre sur un marché existant, nous parlons ici de créer un marché unique. Dit comme ça, ça fait rêver.

Mais il va aussi falloir créer la demande, sinon, ce serait trop facile. Ce sera l’occasion de dépasser le choix binaire du modèle économique selon Michael Porter. Il faudra en effet pratiquer à la fois la différenciation et à la fois la réduction des coûts, c’est-à-dire « l’innovation-valeur ».

Il est enfin essentiel de dresser des barrières concurrentielles durables le plus rapidement possible.

Comment utiliser cette approche ?

Contrairement à l’océan rouge, dans l’océan bleu vous partez d’une feuille blanche et vous devez impérativement éduquer le marché et les clients : pourquoi le problème adressé  est unique ? Pourquoi les solutions existantes ne peuvent pas répondre à ce problème ?

On l’a vu, pour créer une nouvelle catégorie de manière crédible, il faut un produit qui soit manifestement, incontestablement nouveau et différent de ce qui existe dans d’autres catégories de marché.

Voici un aperçu d’une méthodologie en quatre points :

1) Reconstruire les frontières du marché : Analyser la concurrence, chercher à s’adapter en suivant les tendances du marché, on réfléchit à ce que l’entreprise pourrait fournir au marché sur le moyen et le long terme. Quels sont nos leviers de valeur ?

2) Se concentrer sur l’essentiel : le marché

L’Entreprise va effectuer, ou mettre à jour, la cartographie stratégique qui l’aidera par la suite à définir son plan de communication.

3) Aller au-delà de la demande actuelle du marché et élargir ses horizons : l’Entreprise va analyser son marché et se positionner par rapport au marché qu’elle veut adresser.

4) Établir un prix stratégique pour adresser au plus vite le plus grand nombre possible de clients

Pour établir le juste prix, l’entreprise va adopter encore une fois une approche un peu différente de l’approche traditionnelle qui consiste de partir du coût de production pour définir le prix de vente.

L‘innovation-valeur’ doit prendre sens autant pour l’entreprise en quête de performance que pour le consommateur à satisfaire.

Du coup, océan bleu ou océan rouge ? Une palette d’outils d’analyse et de réflexion existe pour travailler à la recherche ou la définition de son Océan Bleu. On en reparle ?

A lire aussi : Au commencement, le positionnement

Merci à Nicolas Brequigny pour ses enseignements